Le règne de Nick Saban à la tête du Crimson Tide d’Alabama a établi le standard contre lequel tous les programmes universitaires sont maintenant mesuré, malheureusement - pour eux. Depuis son embauche en 2007, le Tide gagne 87% de ses matchs (137 victoire contre seulement 20 défaites) et si on ignore sa première saison, c’est un astronomique 91%. Sur ces années, Alabama a remporté 5 titres nationaux et a terminé à la tête de leur conférence à neuf occasions. Même ses confrères parlent de lui et de son programme comme une entité provenant d’une autre galaxie - une sorte d’étoile de la mort qui ravage tout sur sa trajectoire. La vision et la philosophie de Saban sont omniprésentes dans le centre sportif - à un tel point que si vous croisez un préposé au matériel en train de plier des serviettes en plein mois de juillet et vous lui demandez ce qu’il fait, il est probable qu’il vous réponde « je gagne un titre national » ; il plie ces serviettes comme si le sort de l’équipe entière en dépendait car son coach n’accepterait rien de moins. Alors, quelle est la recette de Saban ? Elle est simple mais pourtant moins facile à instaurer, vous n’avez qu’à demander à ces anciens adjoints qui n’ont jamais remporté un match contre lui : fiche cumulative 0-14.
Le fameux process
Le secret de Saban réside dans ce qu’il appelle le process. Au lieu de parler de victoires et de titres, Saban fait en sorte que l’équipe se concentre sur les étapes qui assurent le succès. Le résultat est la conséquence directe de ce process. Au lieu de regarder le score, il demande à ses joueurs de se concentrer sur leur combat individuel. Au lieu de penser à remporter un titre, plutôt se concentrer sur la complétion d’un mouvement à la salle de musculation. En gros, focaliser son énergie sur les choses qui restent sous son contrôle. La vie d’un champion donc, ne s’articule pas autour de l’idée de victoire mais de celle de ce process. Le succès n’est que la conséquence d’une adhésion totale à cette philosophie. L’équipe se construit pas-à-pas, jour après jour. La compétition n’est qu’une étape parmi les autres, permettant de valider les acquis du process. Pour Saban, la réussite ne se définit pas par les résultats mais par la répétition constante de l’effort. Son credo : beaucoup veulent le succès mais peu sont capables de tenir les efforts nécessaires pour y parvenir. Toujours penser à ce que nous pouvons faire pour accomplir et améliorer la tâche quotidienne. Même après le succès, le process s’avère plus important que les célébrations pour ce coach tant décoré. Un soir de titre national, Saban s’est ainsi impatienté d’être retenu au téléphone par des amis le félicitant alors qu’il souhaitait profiter de ce moment pour recruter de nouveaux joueurs - s’attarder sur le passé, même glorieux et immédiat, n’apporte rien ; ce champion va sans cesse de l’avant, de tâche en tâche.
L’exemple ultime de cette philosophie fut la dispute entre Barrett Jones (Centre) et A.J. McCarron (QB) lors de la finale en 2013. Le score était de 42-14 à l’avantage d’Alabama et il restait moins que sept minutes à jouer dans la rencontre. Mais pour ces deux adeptes du process, le score n’importait peu - l’exécution parfaite du jeu actuel était leur seule préoccupation. Incapable de s’entendre dans leur communication avant le snap, McCarron a dû signalé un temps-mort, une dispute s’ensuit et Jones a même poussé son colocataire devant le regard de millions de téléspectateurs interloqués. Saban, quant à lui, devait sourire intérieurement.