Toujours innovatrice, la NFL (National Football League) a devancé la vague dans plusieurs domaines à travers les années : droits de télévision, partage des revenus, plafond salarial et une ouverture aux modifications des règles du jeu pour moderniser le spectacle. Malgré que ces évolutions n'aient pas toujours fait l'unanimité, en général son audace lui a bien servie. La NFL fut également la première ligue professionnelle à établir un événement formel pour évaluer les joueurs potentiels. Introduit en 1982 et initialement baptisé le National Invitation Camp, aujourd'hui le "NFL Combine" s'étale sur six jours et prend parfois des airs de cirque.
En plus de se soumettre à des tests physiques et à des évaluations psychologiques, les candidats participent à des interviews qui frôlent souvent l'absurde : un entretien dans le silence total, un concours sur qui peut fixer l'autre dans les yeux le plus longtemps sans fléchir - et encore d'autres scènes loufoques. Ces incidents restent heureusement des exceptions mais ils ne sont quand même pas dignes d'une entreprise avec les moyens de la NFL.
Au bout du compte, pour justifier son existence, ce Combine doit révéler des faits qui sont prédicteurs fiables du future succès (ou non) d'un candidat en tant que joueur professionnel. Dans un monde idéal, les résultats de la semaine devraient aider les clubs à prédire la probabilité d'une carrière en NFL et par extension une valeur au repêchage.
C'est peut-être évident, mais tout cet investissement n'a pas empêché des gaffes monumentales au niveau du recrutement - le facteur humain conserve sa place et le taux de réussite mythique du 100% reste inatteignable.
Une dépendance accrue sur les "measurables" (ce qui est mesurable ou quantifiable) a, jusqu'à un certain point, déplacé le regard qui jusqu'à récemment était cadré principalement sur les performances antérieures (même si la NCAA demeure un niveau inférieur). Aspect important : la rationalisation poussée de ce processus fournit également les justifications en cas d'échec - une forme d'auto-défense intégrée sur cette scène minutieusement scrutée par un public fervent.
Il serait intéressant de considérer comment le milieu du hockey sur glace professionnel aurait évalué un jeune Wayne Gretzky en 1978 si la mentalité dominante de l'époque se fiait principalement aux measurables : pas très dense physiquement, pas rapide, un tir faible...en d'autres mots pas beaucoup de quantifiables mirobolants mais juste le meilleur hockeyeur de moins de 18 ans au monde.
Le Hockey sur glace et le Football Américain ne requièrent pas les mêmes habilités, ceci est évident. L'analogie est peut-être exagérée mais elle nous amène quand même à poser cette question : quand est-ce que la performance antérieure n'est-elle pas suffisante ?
Le cas de Kyler Murray en est un bel exemple. En 2019, juste avant le repêchage, un journaliste évoquait comment la crainte d'échec poussent certaines équipes à sécuriser leur pari, allant jusqu'à choisir un athlète prototypique, car s'il échoue c'est de sa faute, après tout "il possède toutes les qualités physiques".
Revenons à Murray. Beaucoup disait qu'à 1m78 il était trop petit pour le jeu NFL. On a déjà vu des quarterbacks extraordinaires qui étaient petits par les standards NFL : Fran Tarkenton, Jim MacMahon, Joe Theismann, Drew Brees et Russell Wilson ont tous mené leurs équipes au Super Bowl alors qu'aucun ne dépassait les 1m82 (6 pieds en mesure impériale). En 2018, la taille moyenne des joueurs de ligne offensifs de l'université Oklahoma (équipe collégiale de Murray) était de 1m94 et la moyenne NFL aujourd'hui est quasi pareille. Si on ajuste pour les différences de posture entre un quarterback debout dans sa pochette et un lineman qui le protège, à moins de mesurer 2m10 les lignes de vision de ce quarterback se situeront principalement entre ses joueurs de ligne et non pas au-dessus. De plus, si ça fait des années que c'est votre réalité et que malgré cet inconvénient vous performez à un niveau supérieur que vos confrères, cette question perd surement une partie de son fondement bien qu'elle restera toujours bonne pour alimenter les discussions de comptoirs qui sont, après tout, devenus l'objectif secondaire du combine.
Note : Depuis quelques années, les systèmes offensifs NFL évoluent pour mettre en valeur les habiletés de quarterbacks talentueux mais dont le physique n'est pas conforme au moule "pro".
Rédaction par Larry Legault